Les semences paysannes sont à un moment charnière de leur développement ; inconnue il y a quinze ans, l’expression fait aujourd’hui rêver aussi bien le jardinier débutant que le businessman de la grande distribution. Mais la réalité sur le terrain n’est pas de l’ordre de l’imaginaire (...)
" Il s’agit pour le jardinier comme pour l’agriculteur de réapprendre à sélectionner les variétés dont il a besoin ; il s’agit de considérer le sol comme un être vivant avec lequel nous collaborons et non un support à stériliser et à engraisser, avec tout ce que cela suppose comme modifications de nos pratiques culturales ; il s’agit de voir les araignées, les bactéries, les virus, les champignons comme des partenaires et non comme des ennemis à éradiquer ; il s’agit de retrouver avec le client la qualité de relation qui permettait à monsieur Jourdain de dire qu’il ne faisait pas du commerce mais échangeait simplement de la toile avec des amis contre un peu d’argent... Cela demande du temps, mais peut-être moins que certains ne le pensent si une majorité de la population prend conscience de la situation" (extrait du livre De l'oignon de Tarassac, semence paysanne)
Les semences paysannes ne sont pas une occasion pour créer une nouvelle niche commerciale, un nouveau label, une astuce pour vendre un peu plus chers quelques produits dans un cercle d’initiés.
L’histoire de l’oignon de Tarassac est tout simplement un exemple des avantages cruciaux qu’apporte une variété adaptée à un terroir et à des pratiques culturales respectueuses de l’environnement. Cela passe par le franchissement d’un interdit culturel véhiculé par l’enseignement officiel pendant les années d’après guerre comme par les entreprises semencières : il n’est pas sérieux de produire ses propres semences. Ce « tabou » a deux conséquences graves : la perte de savoir faire de l’agriculteur, la perte de variétés adaptées à des sols particuliers. Cette adéquation sol/plante, résultat de la sélection paysanne, est fondamentale si l’on veut se passer de l’emploi massif de produits phytosanitaires dans nos champs.
Par Yves Giraud, maraîcher en agriculture biologique avec sa compagne Marie dans la Haute Vallée de l’Orb depuis le début des années 70 (Collectif des Semeurs du Lodévois-Larzac). Auteur du livre « De l’oignon de Tarassac, semence paysanne »