Pour une présentation de la réglementation concernant la commercialisation des semences et des plants, nous vous invitons à vous reporter à notre kit règlementaire, plus particulièrement la fiche 2 "Commercialisation des semences et plants", qui fait le point sur la réglementation encadrant la vente des semences et plants « non-standardisés » et libres de droit de propriété. Télécharger la fiche
La règle générale veut que les semences et plants mis en marché (commercialisés) doivent appartenir à une variété inscrite au Catalogue officiel. Cette obligation concerne la grande majorité des espèces de cultures agricoles, pommes de terre, potagères et fruitiers.
Afin d’appréhender les règles encadrant la mise sur le marché de semences et plants, il est cependant important de comprendre clairement ce qui est entendu par « commercialisation » en droit des semences.
En effet, c’est cette action de « commercialisation » qui génère l’obligation d’inscription d’une variété au Catalogue. Dans le droit encadrant les semences, la définition de ce terme est bien différente du sens commun, à savoir une vente : « Au sens du présent décret, par commercialisation, on entend la vente, la détention en vue de la vente, l’offre de vente et toute cession, toute fourniture ou tout transfert, en vue d’une exploitation commerciale, de semences ou de plants, que ce soit contre rémunération ou non. » (Article 1 du décret 81-605).
Ainsi, il faut retenir qu’en droit, la commercialisation concerne toute forme d’échange de semences, qu’il soit à titre onéreux (vente) ou gratuit (don, échange). Elle se limite cependant à ces actions lorsqu’elles sont réalisées « en vue d’une exploitation commerciale » de la semence vendue ou échangée.
Le décret français 81-605 « Commerce des semences et des plants » et les directives européennes « Catalogue » donnent cette même définition de la commercialisation. Par ailleurs, le champ d’application de ce décret et des directives ne concerne que la commercialisation des semences et non l’usage qui en est fait par la suite.
Cet usage n’est réglementé que pour les OGM, les plantes atteintes de certaines maladies spécifiques et la culture de la vigne en vue de commercialiser du vin. En dehors de ces exceptions, rien n’interdit à un-e agriculteur-trice de cultiver des variétés non inscrites au Catalogue officiel et d’en vendre la récolte en l’état ou transformée.
Depuis la loi n°2020-699 du 10 juin 2020, il est explicitement reconnu que la vente de semences de variétés du domaine public non inscrites au Catalogue officiel est possible : cela vient consacrer l'interprétation de l'article L.661-8 du Code rural portée jusqu'ici par le RSP. (pour plus de détail, voir cette fiche-veille).
En 2014, l’objet de la réglementation a été précisé : la production de semences commerciales et leur commercialisation. La mise sur le marché de semences implique le respect :
- Des règles sanitaires et relatives à la qualité, taux de germination, l’emballage et étiquetage…
- Et celles de droit commun énoncées dans le Code de la consommation (sécurité et santé des personnes, loyauté des transactions commerciales et protection des consommateurs).
Toute personne (ou structure) produisant et commercialisant des semences doit se déclarer auprès de l’autorité compétente. C’est le SOC, Service officiel de contrôle des semences et plants, qui a été désigné ici autorité compétente. S’il est légitime de remettre en cause son indépendance (le SOC est un service du GNIS), il est important de comprendre que la déclaration en tant que producteur de semences est différente et indépendante de l’adhésion à l’interprofession qu’est le GNIS. Ce n’est donc pas parce que vous vous déclarez comme producteur de semences que vous devez « prendre une carte GNIS » et en devenir adhérent. Il est également important de noter que la déclaration en tant que producteur des semences n’est pas obligatoire si vous commercialisez uniquement pour le marché amateur.
Critères DHS / VATE
Pour échanger ou commercialiser des semences et plants déstinés à une exploitation commerciale, il faut que les variétés soient inscrites au Catalogue officiel des espèces et variétés. Pour cette inscription, la variété doit actuellement subir une série de tests afin de :
- Vérifier son adéquation aux normes de Distinction, d’Homogénéité et de Stabilité (tests DHS)
- Évaluer l’amélioration par rapport aux variétés existantes (test VATE : Valeur Agronomique,Technologique et Environnementale), lorsqu’il s’agit de plantes de grandes cultures.
Cependant, pour les variétés paysannes et de terroir, l’expression des plantes en fonction du milieu et l’évolution des lignées et populations sur les fermes rendent quasi impossible la description suivant ces critères officiels DHS et VATE, ces variétés étant souvent peu homogènes et peu stables pour préserver leurs possibilités d’adaptation et d’évolution. Leur inscription devient alors impossible. La question de la circulation de ces variétés est donc un des nœuds qui réduit la possibilité des les cultiver facilement.
Ces critères ont été pensés pour répondre aux besoins de l'industrie agroalimentaire et de l'agriculture conventionnelle. Ils sont à l'inverse de ce qui est recherché en sélection paysanne où une certaine hétérogénéité entre les plantes et une capacité d'évolution dans l'espace et dans le temps sont nécessaires pour permettre à la plante de s'adapter à son environnement et non pas d'adapter l'environnement de la ferme aux plantes semées. Après-guerre, les variétés paysannes, de pays, jugées trop hétérogènes et trop peu productives ont été progressivement radiées du Catalogue et remplacées par des « variétés élites » (lignées pures, hybrides F1), ce qui les a fait disparaître des champs dans le contexte d'une agriculture productiviste où la semence est devenue un objet potentiel de droit de propriété, devenant davantage un bien, un objet qu'un organisme vivant.
Coût d’inscription
D’autre part, le coût de l’inscription (qui, pour une variété de blé par exemple peut s'élever à plus de 10 000 €) auquel il faut ajouter le maintien au Catalogue (plus de 3.000 € en cumulé pour les 10 premières années) empêche l’inscription des variétés issues de sélections paysannes : celles-ci sont trop nombreuses et concernent des volumes limités.
Liste variétés de conservation et Liste sans valeur intrinsèque : quelles ouvertures pour la biodiversité cultivée ?
En théorie, ces deux catégories ont été créées pour permettre une certaine ouverture par rapport aux semences standards et aux critères classiques d'inscription au Catalogue : les exigences d'homogénéité et de stabilité sont allégés pour inscrire des variétés sur les listes C (variétés de conservation) et d (variétés sans valeur intrinsèque). En pratique, on constate cependant que les modalités ne correspondent pas aux besoins ni des amateurs, ni des paysans recherchant une plus grande biodiversité cultivée. En témoigne d'ailleurs leur succès mitigé : une quinzaine de variétés sur la liste conservation et un peu plus de 300 sur la liste Sans valeur intrinsèque (source Catalogue officiel, site du Geves consulté le 20-04-2020).
La liste “variétés de conservation” n’ouvre qu’une petite tolérance au sujet de l’homogénéité (10% de hors type) et reste stricte pour la stabilité alors qu’elle devrait être adaptée à la diversité et à la variabilité des variétés paysannes traditionnelles dont elle a pour objectif de permettre l’inscription. L’interprétation par les réglementations nationales de l’obligation d’amener la preuve d’une culture traditionnelle dans une région d’origine (ou d’adaptation) peut aussi restreindre énormément les opportunités offertes par cette directive qui aurait dû, sur ce point, s’ouvrir explicitement aux variétés issues de sélections / adaptations récentes. Ceci est d'autant plus vrai aujourd'hui où le changement climatique peut modifier l'adéquation d'une variété à sa zone géographique « d'origine ». On observera cependant, en 2017, une évolution vers la reconnaissance du territoire « France » comme région d'origine, ce qui est permet une commercialisation plus large.
Enfin, les restrictions quantitatives proposées peuvent aussi constituer un frein important à la diffusion de ces variétés. En effet, la conservation effective de la biodiversité dépend en grande partie de la possibilité de valoriser les variétés sur le plan économique, ce qui nécessite souvent de pouvoir dépasser une masse critique minimum de vente.
Avec les variétés potagères créées en vue de répondre à des conditions de culture particulières (liste d - variétés sans valeur intrinsèque pour la production commerciale), la Commission européenne supprime quelques unes de ces barrières : la variété peut avoir évolué ou été sélectionnée récemment et ses semences peuvent être commercialisées en dehors de la région d’origine. Contrairement au souhait du Gouvernement français, la directive ne limite pas non plus ces variétés à “un usage pour jardiniers amateurs”. Elle permet ainsi d’en vendre les semences pour un usage professionnel. Elle supprime aussi les limitations quantitatives, mais pour les réintroduire avec une limitation de conditionnement perverse. Le prix relativement élevé des semences vendues en petits conditionnements entraîne de fait une limitation quantitative, obstacle à la diffusion large auprès des professionnels des variétés concernées.
Matériel hétérogène biologique : un nouveau cadre
Le nouveau règlement européen 2018/848 relatif à l’agriculture biologique, entré en vigueur au 1er janvier 2022 introduit la possibilité de commercialiser du matériel de reproduction de « matériel hétérogène biologique », défini dans son article 3.18 comme « un ensemble végétal d'un seul taxon botanique du rang le plus bas connu qui :
- présente des caractéristiques phénotypiques communes;
- est caractérisé par une grande diversité génétique et phénotypique entre les différentes unités reproductives, si bien que cet ensemble végétal est représenté par le matériel dans son ensemble, et non par un petit nombre d'unités;
- n'est pas une variété au sens de l'article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2100/94 du Conseil ;
- n'est pas un mélange de variétés; et
- a été produit conformément au présent règlement; »
Ce matériel hétérogène constitue une exemption à la réglementation semences, et sa commercialisation est régie par des règles particulières, détaillées à l’article 13 du règlement : elle n’est donc pas soumise à l’obligation d’inscription au Catalogue officiel des variétés ni à aucun test (VATE) avant la mise sur la marché du « matériel ». Une simple notification préalable, constituée par l’envoi à l’autorité nationale compétente d’un dossier décrivant les caractéristiques agronomiques et phénotypiques du matériel ainsi que les méthodes de sélection, les parents utilisés et le pays de production suffit. En cas de non-réaction de l’administration dans les trois mois, le matériel sera commercialisable dans l’ensemble de l’Union européenne. La seule exigence à ce stade est que le matériel hétérogène ait été produit dans les conditions de l’agriculture biologique. (Pour plus de détails sur ce sujet, voir la fiche pratique dédiée).
La création de cette nouvelle catégorie juridique représente certainement une opportunité pour élargir l’offre commerciale disponible en bio et favoriser l’accès à des populations hétérogènes, plus diversifiées et donc plus adaptées aux contraintes spécifiques de l’agriculture biologique et paysanne. Toutefois, bien que relativement léger et simple, le cadre mis en place pour le MHB n’est pas forcément accessible aux paysan.ne.s. En effet, outre le remplissage du dossier, il faut ensuite être en mesure de satisfaire aux exigences relatives à la commercialisation et l’étiquetage, et d’assurer la traçabilité requise par les textes. Ce cadre semble donc plutôt être intéressant pour des artisan.ne.s semencier.ère.s, ou des Maisons de semences paysannes (MSP), en leur permettant d’inscrire la vente de semences et plants de populations paysannes dans un schéma légal.
Dernière relecture : mai 2022