La vie n'a pas encore repris son cours habituel, pourtant, quelques mois après le confinement dû au coronavirus, il est intéressant de prendre un peu de recul sur ce que nous avons vécu.
Au sein du Réseau Semences Paysannes (RSP), nous avons partagé le constat général : le confinement a été synonyme d’une forte augmentation des demandes en produits locaux directement auprès des paysan.ne.s (ex : la farine moulue à la ferme) ainsi que des demandes de semences auprès des artisans semenciers, pépiniéristes et organisations collectives du réseau. S’agit-il simplement d’un changement d’habitudes passager ou est-ce que le système agro-alimentaire industriel et mondialisé est désormais réellement remis en cause ? Cette question reste en suspens mais des solutions pratiques sont d’ores et déjà à la portée de ceux qui le souhaitent.
Connues depuis longtemps, les faiblesses du système agro-alimentaire ont été crûment mises en lumière par les contraintes du confinement : nécessité de longues chaînes logistiques pour que votre pain ou votre yaourt arrive dans les rayons d’un supermarché ; questions du « qui travaille » pour produire notre nourriture avec les besoins en main d’œuvre saisonnière (pour beaucoup migrante) dans différentes étapes-clefs de la production agricole... La question de notre souveraineté alimentaire est pleinement posée : avons-nous les moyens aujourd’hui de nous nourrir, sans dépendre des échanges internationaux ou avoir des impacts négatifs dans d’autres parties du globe ? La réponse à ces questions dépend bien sûr de décisions politiques et économiques globales mais également des choix de chacun d’entre nous pour ancrer les habitudes prises pendant le confinement.
En plaçant notre regard au niveau de la semence, nous pouvons trouver une partie des solutions concrètes et inspirantes pour penser et agir. Depuis plus d’une quinzaine d’années, en se réappropriant les savoir-faire et leurs semences, les membres du Réseau Semences Paysannes, interrogent plusieurs sujets qui font écho à la « crise du coronavirus » : en s’organisant collectivement pour reconquérir des savoir-faire afin de sélectionner et auto-produire des semences choisies pour être résilientes localement ; en dépassant la « production alimentaire » pour penser l’agriculture et l’alimentation comme intrinsèquement liées aux femmes et aux hommes qui la créent, qui s’en nourrissent, sur nos territoires ; en se réappropriant la liberté de choisir et de penser ses productions, en cohérence avec ses sols, son climat et son environnement. Ce travail est évidement à relier avec celui de nombreux acteurs, qui sont également impliqués dans la promotion d’une agriculture relocalisée, respectant le vivant et les humains ( ex : AMAP, Atelier Paysan,Terre de liens …)
Les solutions qui ont été rapidement mises en place pendant le confinement pour permettre d’élargir l’accès aux circuits courts et à l’approvisionnement directs auprès des producteurs-trices illustrent parfaitement que la solidarité au niveau des territoires a un rôle important à jouer. Il s’agit à présent pour chacun.e d’être vigilant.e afin d’éviter que la crise du coronavirus ne soit instrumentalisée par les acteurs dominants de l’agro-industrie, amenant les responsables des problèmes globaux (évoqués ci-dessous) à se présenter comme les défenseurs de la « souveraineté alimentaire »…. Pour aller vers un véritable changement d’échelle et essaimer les solutions qui sont à notre portée, comme celle des semences paysannes, chacun-ne peut agir à sa mesure :
- en tant que mangeur.se.s, en comprenant mieux les enjeux de la biodiversité cultivée, pour sa santé est celle de la planète, des conséquences pour son assiette, et pour le modèle de société qu’on souhaite développer.
- en tant que jardinier.e.s, en s’interrogeant sur l’origine des semences et plants que l’on achète ou en privilégiant les bourses aux semences et plants organisées dans votre secteur.
- en tant que paysan.ne.s, jardinier.e.s, pour vous réapproprier vos semences en rejoignant par exemple un collectif ou organismes du Réseau Semences Paysannes proche de chez vous ou en créant une Maison des Semences Paysannes.
- en tant qu’élu.e dans une collectivité territoriale, en appuyant les initiatives locales sur les semences paysannes, généralement réalisées de manière bénévole.
Prendre connaissances et agir concrètement : ressources concernant les semences paysannes
-
Guide pour comprendre la biodiversité cultivée : quelques pages destinées à tous pour comprendre les enjeux. A télécharger ICI.
- Des livres grand public qui pourraient vous inspirer en passant par exemple par une approche sur la cuisine ou encore sur le pain : voir ICI.
- Jardiniers, Paysans : pour connaître les artisans semenciers, pépiniéristes et les collectifs du Réseau Semences Paysannes proches de chez vous, c’est par ICI.
Pour aller plus loin, quelques tribunes et articles publiés pendant le confinement ou avant :
« L’effondrement de la biodiversité met en péril l’alimentation mondiale », Lorène Lavocat ,Reporterre, 22 février 2019,
« Vers la résilience alimentaire. Faire face aux menaces globales à l'échelle des territoires », Les Greniers d’Abondance, février 2020
« Traverser les crises, la résilience du système AMAP », Dossier de Presse MIRAMAP, 31 mars .2020 ,
« Comment changer le monde? En soutenant l’agriculture paysanne! », Via Campesina Europe 17 avril 2020 et pages d’actualité sur ce sujet.
« Et si le coronavirus ouvrait la voie de l’autonomie alimentaire ? », Lorène Lavocat Reporterre, 30 avril 2020,
« Le COVID-19 et la crise dans les systèmes alimentaires:Symptômes, causes et solutions potentielles », Communiqué d'IPES-Food, avril 2020
« Pour faire face aux crises qui affectent les Agricultures Familiales ouest-africaines et la crise systémique du COVID 19, le mouvement paysan réuni met en place Un Comité de Veille et d’Action », Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs Agricoles de l’Afrique de l’Ouest, Avril 2020.
Tribune « Assurer la sécurité alimentaire des populations », Philippe Desbrosses et autres, Avril 2020.
« Covid-19, maladie de l’anthropocène et de la biodiversité. La « santé globale » est en jeu », Michel Duru, Up, , 4 mai 2020.
« La souveraineté alimentaire sera paysanne ou ne sera pas », Collectif d'associations, Libération, 12 mai 2020.
« Retour sur Terre : 35 propositions », Dominique Bourg, Philippe Desbrosses, Gauthier Chapelle, Johann Chapoutot, Xavier Ricard Lanata, Pablo Servigne et Sophie Swaton, Presses Universitaires de France, Juin 2020.
Emilie Lapprand