15-07-2020
Alors que la possibilité de vendre des semences de variétés du domaine public, non inscrites au Catalogue officiel, à des amateurs semblait avoir été consacrée, une bonne fois pour toutes après bien des rebondissements, par la loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires dans son article 10, un « avis circonstancié » de la Commission européenne pourrait semer le doute.
Le 23 juin dernier, soit plus de 10 jours après l’entrée en vigueur de ladite loi, la Commission européenne a en effet émis un « avis circonstancié » très surprenant et défavorable aux dispositions de cette dernière sur les semences.
Reprenant dans son argumentation des développements proches de ceux de l’industrie semencière, le Gouvernement français, clairement défavorable à cette disposition1, l’a notifié en mars 2020 à la Commission européenne, pour avis sur sa conformité au droit européen. L’article de loi ayant finalement été adopté à l’Assemblée nationale, le Gouvernement n’a cependant pas attendu la fin du délai de réponse de la Commission pour promulguer cette dernière… L’avis de la Commission arrive donc avec un train de retard, créant un véritable imbroglio juridique. La loi française est définitivement adoptée, entrée en vigueur et s’applique pleinement, mais est considérée comme contraire à la réglementation européenne par la Commission...
Les conséquences proprement juridiques de cette situation sont incertaines2, d’autant que la motivation de l’avis de la Commission n’est pas convaincante. ll semble que la Commission, dans sa lecture de la définition du terme commercialisation, assimile l’expression « en vue d’une exploitation commerciale » utilisée dans la réglementation avec « dans le cadre d’une exploitation commerciale », deux cas de figure pourtant bien différents.
Le nouveau Gouvernement saura-t-il sortir par le haut de cette situation et s’inspirer des positions prises, en tant que parlementaire, par sa nouvelle ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, à laquelle la cause de l’érosion de la biodiversité cultivée « tient particulièrement à cœur » ?
Dans ce contexte, le RSP réaffirme son interprétation des directives européennes concernant la commercialisation de semences : l’obligation d’inscription au Catalogue officiel des variétés, ne concerne que les cessions faites « en vue d’une exploitation commerciale de la variété », ce qui ne comprend pas par exemple la vente directe à des jardinier.ère.s amateurs, des collectivités territoriales. Aujourd’hui comme hier, il est donc possible de faire circuler (échange, troc, vente directe) ces semences non standardisées par le Catalogue officiel. Elles sont recherchées et répondent notamment à une demande croissante des jardinier.ère.s.
1 Voir cette fiche veille n°2913 pour les débats au Sénat.
2 Voir notamment l’article publié par Inf’OGM sur ce sujet : " Vente de semences : l'Europe attaque la France"